on se prend souvent pour quelqu'un.e - Exposition du collectif Frop à la galerie 43, Rue Vandrezanne, Paris 13

Les souvenirs bleus galopent depuis la nuit des temps à la croisée des espaces.

Ces images sont réalisées à partir de souvenirs d’enfance racontés par les 5 membres de notre collectif mais sortis de leur contexte pour être remis en scène.

Les figurines sont d’abord dessinées au sylo-bille, impressions nées du récit sans toutefois tout raconter. (Les lieux, les autres protagonistes sont omis pour ne conserver qu’un geste, une attitude.) Puis elles sont découpées et placées dans une maison de poupée désertée depuis longtemps. Murs blancs, un peu de lumière : elles sont un moment des ces souvenirs mais comme observé à la dérobée, derrière une porte ou à la faveur d’une lumière venue du dehors. La photographie furtive met en évidence les jeux d’ombres, de volumes qui s’associent à la figure du souvenir. L’image ainsi obtenue est encadrée dans une boîte blanche, 4 murs. 

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5 ans avec mon frère Marc 8 ans. Cueillette de mûres avec ma mère et mon grand-père. Au retour, Marc et moi prenons place avec notre récolte dans le coffre de l’ami 8. Bagarre de mûres (mon frère était un spécialiste des armes fruitières : pommes, noyaux de cerises etc…) À l'arrivée mon visage, ma robe et l’intérieur du coffre sont barbouillés du jus des mûres. Nettoyage du coffre ! « C'est comme ça que tu élèves tes enfants ? » demande mon grand-père.


Je dois avoir 8 ou 9 ans. Je suis vêtue d'une robe bleue marine à pois blancs. J'ai un chignon volumineux sur le sommet de la tête agrémenté d'un ruban coordonné à ma robe. Mes yeux sont maquillés d'un peu de bleu. Ma main droite porte une boite de lessive dont le carton est recouvert de Vénilia fleuri ; y sont rangées de hautes bottes blanches à petits talons et long laçage. Ma main droite tient un bâton métallique aux embouts blancs, ronds et lourds. Je suis fière d'être avec des "grandes". Je les écoute raconter leurs histoires de garçons.

Tout à l'heure, elles lanceront leurs bâtons bien plus haut que moi. Mais aucune n'a un aussi beau chignon que le mien !

Je suis une majorette.


Je me souviens, l’été à la campagne, j’ai 12 ans, petite robe rose à volants et sandales roses à paillettes en plastiques année 80. Je pars vers la cascade, le jeune garçon de 10 ans, Eric, qui est avec nous à la maison de vacances, me suit et me dit sans cesse « ich liebe dich ». Je presse le pas et arrive à m’éloigner. Arrivée à la cascade je tente la traversée pour le semer. Je perds une sandale dans le courant de l’eau. Surprise je continue mes pas glissants et je perds ma deuxième sandale rose. Ma jolie paire …disparue à jamais dans les volutes de la rivière et Eric caché dans les herbes.


J'ai trois ou quatre ans, mes grands-parents m'ont offert un tigre en peluche plus grand que moi. Je joue au coiffeur et je coupe les poils de mon tigre. Ils ne repousseront pas comme je m'y attendais. Ma grand-mère est très fâchée. Mais pour moi ça ne change rien, j'aime toujours autant mon tigre.


J’ai 8 ans….plus ou moins, je ne sais plus. C’est l’hiver, il fait froid et il est très tard. Nous allons dormir chez mes grands parents. Ma mère me dit d’aller me déshabiller devant le poêle et de mettre mon pyjama. Je suis de mauvaise humeur, fatiguée sans doute. Je m’exécute en râlant. Je me penche en avant, je baisse mon pantalon et ma culotte. J’ai sans doute mal évalué la distance qui me séparait du vieux poêle qui diffuse sa douce chaleur dans toute la salle à manger. Mes deux petites fesses d’enfant se colle à la vitre réfractaire. Je hurle de douleur, sévèrement brûlée. Ma mère, qui n’a pas assisté à la scène croit que je continue à râler pour ne pas aller au lit. Elle m’ordonne de monter dans ma chambre. Je gravis l’escalier en pleurant et je me couche sur le ventre les fesses à l’air. J’entends la voix de ma mère qui résonne : « Je vais monter te mettre une fessée, tu vas savoir pourquoi tu pleures » et moi je ne pense qu’à une chose « Oh, non, pitié !!! pas les fesses, pas les fesses ».

Ma mère arrive, elle constate l’ampleur des dégâts et comprend ce qui vient de se passer. J’ai droit à un gros câlin et à l’application d’une crème réparatrice.

Je vais garder la trace de cette agression carbonisante longtemps. Un rond rouge sur chaque fesse qui s’estompera de manière concentrique au fil des années. Aujourd’hui, heureusement, plus aucune trace de cette mésaventure.